5 : Romance de Conde Claros, de Montalvan.
(Extrait aimablement communiqué par Isabelle Villey)
Media noche era por filo,
Los gallos querían cantar,
Conde Claros con amores
No podía reposar;
Dando muy grandes suspiros
Que el amor le hacía dar,
Por amor de Claraniña,
No le deja sosegar.
5 : Conde Claros de Adonis
(Chanson X, de Pernette du Guillet, + 1545 - orthographe modernisé,
d'après l'édition de Françoise Carpentier : "Louise Labé, Oeuvres poétiques /
Pernette du Guillet, Rymes", parue aux Editions Gallimard en 1983)
Suggestion d'interprétation : voir page Compléments, B, 5b.
Amour avecques Psyché / Qu'il tenait à sa plaisance
Jouait ensemble aux échets / En très grand' réjouissance,
Mais bien tôt il a oui / Au loin lamenter un cygne
De quoi peu il s'est réjoui / et l'a pris pour mauvais signe ;
Laissons le jeu je vous prie / Dit-il d'une voix amère
Et allons ouïr le cri / Du messager de ma mère.
Lors tous deux s'en vont bouter / A la prochaine fenêtre,
Et leur vue vont droit jeter / Là où l'oiseau pourrait être.
Si ont vu, sur un étang / Long et grand comme une Mer,
Un beau cygne pur et blanc, / Qui chantait un chant amer ;
Ô Déesse, disait-il / Régnant au ciel Empirée,
Par ton engin (ruse) trop subtil / Notre joie est empirée,
Puis que par ta grand'envie / Au malheureux Adonis
Tu as abrégé la vie, / Et sont ses beaux jours finis.
Et notre pauvre maîtresse / Seule au bois il a laissée,
De douleur et de détresse, / Mortellement offensée,
Tant que plus ne veut porter / ni le vert, ni couleur gaie
Mais pour se réconforter / A la mort en vain s'essaie.
Lors l'enfant à ces nouvelles / Son épouse a accollée,
Et, ébranlant ses deux ailes, / En l'air a pris sa volée,
Lequel tant il a fendu, / Traversant mainte contrée,
Qu'auprès il s'est descendu / de sa mère rencontrée.
Comme lui, sont arrivés / Les Grâces, et ses deux frères
De toute joie privée, / Et de tristesse confrères.
Qui, pour donner allégeance / A la déesse dolente
Ont tous juré la vengeance / De la bête violente.
Parquoi entrant dans le bois / Chacun déploie sa Trousse
Mettant les chiens aux abois / Pour donner au Porc la trousse
Mais si bien ont pourchassé / Et continué leur suite,
Que le sanglier tout lassé / N'a su où prendre la fuite,
Parquoi toute la cohorte / S'est étendu à l'entour,
Et d'une corde bien forte / Au col lui ont fait maint tour.
L'un le trainait par la corde, / L'aiguillonnant, et heurtant
L'autre sans miséricorde / de son arc l'allait battant.
Ainsi pris l'ont amené / Devant Venus éplorée,
Qui pour lui a démené / Complainte désespérée,
Et tant de lui se doulait (se désolait) / Que, sans plus vouloir attendre,
Tout soudain elle voulait / L'étrangler de sa main tendre.
Mais les Grâces lui ont dit / Qu'elle se ferait outrage,
A fin qu'à ce contredit / Elle apaisât son courage.
Qui eut vu alors la bête, / Comme morte elle semblait,
Humblement baissait la tête, / Tant de peur elle tremblait.
Adonc sous un arbre épais / Vénus, de douleur troublée,
A commandé faire paix / A toute celle assemblée
As-tu, dit elle au Sanglier / Qui était mal assuré,
Osé ainsi déplier / Ton courroux demesuré ?
Qui t'a mû, bête insensée, / D'avoir mon ami outré (transpercé)
Et ce dit comme offensée / Adonis lui a montré
Qui gisait tout étendu, / La face décolorée,
Dont maint soupir a rendu / La pauvre Amante éplorée
Alors le Sanglier honteux / S'est prosterné à genoux,
Et, d'un son doux et piteux / S'est excusé devant tous,
Disant Déesse honorée, / Pardonne-moi ce méfait
Car d'ire délibérée / Ne t'ai cet outrage fait
Bien est vrai que, quand le vis / La forme du Jeune enfant,
Certes il me fut avis / De voir un Dieu triomphant.
Tant me donnait grand'merveille / Sa chair blanche et délicate,
Et sa bouche plus vermeille / Que n'est aucune Écarlate
Parquoi d'une ardeur surpris / Je me laissai approcher,
Me semblant un trop grand prix, / Si le le pouvais toucher
Dont au contour d'une branche, / Pour mon ardeur apaiser,
Découvrant sa cuisse blanche, / Je la lui voulus baiser.
Mais lui trop chaud et ardent, / Suivant sa course adressée,
Se va jeter sur ma dent / Que le tenais abaissée,
Et tellement lui méchut , / Qu'à celle heure trop perverse
Au plus près de moi il chut / Tout sanglant à la renverse.
Mais j'atteste tous les Dieux, / Juges de mon innocence,
Que sur moi j'eusse trop mieux / Désiré si grand offense,
Et pour ce que la dent fit / Si outrageux maléfice,
Et que tant vers vous méfit, / Je veux bien qu'on la punisse.
Voici la dent, et la hure, / Qui ont causé tel émoi
Las, de leur male aventure / Prenez vengeance sur moi.
Ainsi de l'offense grande / Le pauvre Porc s'excusait,
Et toutefois pour l'amende / A la mort il s'accusait.
Si grande était la douleur / Et le regret qu'il souffrait,
Comme cause du malheur, / Qu'à tout tourment il s'offrait.
Parquoi toute l'assistance / Vont à Vénus supplier
De mitiguer sa sentence, / Et son courroux oublier :
Déliez le donc, dit-elle, / Puis que pour mon Ami mort
Il s'accuse à mort cruelle, / Ayant de son fait remords.
Mais qu'il jure qu'ès forêts / jamais plus il n'entrera,
Ains (mais) qu'en boues, et marais, / Toujours il se vautrera.
Et afin que désormais / Se souvienne du méfait,
Je veux qu'il porte à jamais / Une marque de son fait:
C'est qu'en terre l'étendrez, / Et, pour réparer l'injure,
Les pieds autant lui fendrez / Que la plaie a d'ouverture,
A fin que par ce moyen / Ceux qui le rencontreront
Entendent le malheur mien, / Dont, peut-être, pleureront.
De Vénus ce mot sacré / Ne fut point hors de sa bouche,
Que la bête de son gré / Dessus la terre se couche
Et souffrit patiemment / Exécuter la sentence,
Puis debout, bien humblement / Remercia l'assistance.
Et, pour montrer qu'il voulait / Que l'on sût sa déplaisance,
N'a depuis, comme il soulait (avait coutume) / Au bois fait sa demeurance.
46 : Une Jeune Fillette
(anonyme)
Une jeune fillette / De noble coeur, Plaisante et joliette / De grand' valeur,
Outre son gré, on l'a rendue nonette, / Cela point ne lui haicte, Dont vit en grand' douleur.
Un soir après complie / Seulette estoit, En grand mélancolie / Se tourmentoit,
Disant ainsi, douce vierge Marie / Abregez moy la vie, Puis que mourir je doy.
Mon pauvre cur souspire / Incessamment, Aussi ma mort desire / Journellement.
Qu'à mes parens ne puis mander n'escrire, / Ma beauté fort empire, Je viz en grand tourment.
Que ne m'a t'on donnée / A mon loyal amy, Qui tant m'a desirée / Aussi ay-je moy luy,
Toute la nuit m'y tiendroit embrassée / Me disant sa pensée, Et moy la mienne à luy.
A Dieu vous dy mon père, / Ma mère et mes parens, Qui m'avez voulu faire / Nonnette en ce couvent,
Ou il n'y a point de réjouissance, / Je vis en desplaisance, Je n'attens que la mort.
La mort est fort cruelle / A endurer, Combien qu'il faut par elle / Trestous passer.
Encor' est plus le grand mal que j'endure, / Et la peine plus dure Qu'il me faut supporter.
A Dieu vous dy les filles / De mon pays, Puis qu'en c'est Abbaye / Me faut mourir,
En attendant de mon Dieu la sentence, / Je vy en esperance D'en avoir réconfort.

47 : Est-ce Mars
(anonyme)
Est-ce Mars le grand dieu des alarmes / Que je voy ?
Si l'on doit en juger par ses armes / Je le croy
Toutesfois j'apprends en ses regards / Que c'est plustot Amour que Mars.
D'estre aussi Cupidon il me semble / Qu'il n'a pas
Tant de grace & de beauté ensemble / Ny d'apas
C'est plustot un soleil radieux / Que Cupidon qui n'a point d'yeux.
Le soleil n'a pas tant de lumière / Et ne peut
Prendre l'ame d'un corps prisonnière / Quand il veut :
Et ces yeux d'Amour mesmes vainqueurs / Prennent les ames & les coeurs.
Insencé ! maintenant que j'avise / Que ces yeux,
Sont les yeux de la belle Marphyse, / Chere aux Dieux :
Soeur de Mars, fille d'un grand soleil / Qui luit icy bas sans pareil.
Grand soleil qui reluis à la France, / Et qui fais
Sous la juste & la douce affleurance / De la paix,
Que les lys sous ton nom fleurissant, / N'iront plus de peur pallissant.
Grande Reyne de qui l'on l'adore / La vertu
Vertu dont la beauté se décore / Puisse-tu
Favorite du ciel en tout temps, / Voir toujours tes desirs contens.